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Josef Koudelka / Les Retours

© Josef Koudelka / Magnum Photos

Uměleckoprůmyslové museum v Praze
ulice 17. listopadu 2, Praha

La grande exposition-rétrospective intitulée "Koudelka : Les Retours" présente plus de trois cent photographies de l’artiste regroupées en sept sections thématiques et chronologiques (Les Débuts, Expériences, Tsiganes, Théâtre, Invasion 68, Exils et Panorama).
Cette exposition est proposée par le Musée des arts décoratifs de Prague à l’occasion du 80ème anniversaire du photographe. Ce-dernier envisage de faire don de certains rares tirages aux collections du Musée.
Des projets parallèles accompagnent cet événement, notamment l’exposition Koudelka : De-creazione au Veletržní palác.


"Naturalisé français en 1987, Josef Koudelka (1938) est membre depuis plus de quarante ans de l’agence Magnum Photos. Ingénieur de profession, il s’intéresse à la photographie depuis très jeune mais ce n’est qu’à partir de 1967 qu’il décide de se dédier à temps plein à la photographie. Il deviendra l’un des photographes les plus influents de sa génération. Parmi les récompenses prestigieuses qu’il a reçues en reconnaissance de son travail, mentionnons le Grand Prix national de la photographie (1989), le Grand Prix Henri Cartier-Bresson (1991), et l’International Award in Photography de la Hasselblad Foundation (1992).

Son œuvre, à mi-chemin entre la photographie artistique et le reportage, est présentée dans cette exposition qui retrace l’ensemble de son parcours. Le choix s’est porté sur de nombreuses œuvres qui nous dévoilent ses premiers projets expérimentaux, réalisés vers la fin des années cinquante et pendant les années soixante, ainsi que ses séries historiques « Gitans », « Invasion » et « Exils » jusqu’à ses grands paysages panoramiques des dernières années, où la figure humaine disparait.

Sentiment d’absence d’un lieu à soi, la sensation de déracinement, si présente dans son œuvre depuis son exil de Tchécoslovaquie après l’Invasion de Prague (en 1968) ainsi que son inlassable intérêt pour les territoires déchirés ou les vestiges.

Josef Koudelka a publié ses premières photographies en décembre 1960 à l’âge de 22 ans dans la revue hebdomadaire tchèque Mladý svět (Monde jeune en français), très populaire auprès des jeunes tchèques à l’époque.

Dans la préface de cette revue, les photos de Koudelka sont louées par leurs compositions et leur capacité à souligner que même la vie ordinaire peut être montrée d’une façon extraordinaire, révélant ainsi le potentiel du jeune photographe en herbe.

Pendant les années 60, il réalise une série de photos de paysages et de scènes d’extérieur à Prague, mais aussi pendant des voyages en Slovaquie, Pologne et Italie. Son appareil photo, un Rolleiflex qu’il remplacera plus tard par un appareil reflex mono-objectif 35 mm tenu au niveau des yeux, l’équipement classique pour les photojournalistes à l’époque, l’accompagne très vite dans tous ses voyages, annonçant déjà son fort intérêt pour la photographie nomade.

THEATRE
J. Koudelka travaille aussi pour la compagnie de théâtre la plus importante de Tchécoslovaquie, Divadlo za branou [Théâtre derrière la porte] et Divadlo na zábradlí [Théâtre sur la balustrade], et un grand nombre de ses images illustrent les couvertures de la revue Divadlo [Théâtre].

TSIGANES
En 1961, Josef Koudelka commence à passer de longs séjours dans les campements gitans des villes d’Europe de l’Est et la photographie de ces communautés passera rapidement d’une activité marginale à un véritable projet de vie.

Entre 1963 et 1968, il visite près de quatre-vingts camps en Tchécoslovaquie et accumule des milliers de photographies. Sélectionnées au fil du temps, elles se réduiront à un ensemble de quelques douzaines de clichés illustrant son immersion dans les vies, les fêtes et les coutumes de la culture gitane. Ces photos seront publiées à plusieurs reprises dans le monde entier et cette série reste l’une des plus connues de la carrière de Koudelka. Selon John Szarkowski, dans la préface de novembre 1975 de Gitans : « Koudelka’s pictures seem to concern themselves with prototypical rituals, and a theater of ancient and unchangeable fables. »7

INVASION
En août 1968, il documente l’invasion de Prague par les troupes soviétiques. Il monte sur les tanks et part à la rencontre des manifestants qui affrontent des soldats lourdement armés.

Ses clichés au fort impact documentaire sur le conflit deviendront le symbole de l’esprit du mouvement de résistance. Les premières images sur les combats dans Prague seront publiées à l’anniversaire de l’invasion, en août 1969, dans le Sunday Times Magazine et Look magazine, grâce à des pellicules envoyées clandestinement à l’agence Magnum à New York. Elles seront ensuite publiées dans des journaux et des revues du monde entier pour leur valeur mémorielle et testimoniale très forte. Pour éviter toutes représailles contre lui et sa famille, les photographies sont signées « P.P. » ou « Prague Photographer » [photographe de Prague] jusqu’en 1984.

EXILS
Josef Koudelka quitte la Tchécoslovaquie en 1970, il a alors 32 ans, et demande l’asile au Royaume-Uni, où il s’installe pendant les premières dix années de son exil. Le nom de l’exposition, « Nationalité incertaine », fait justement référence au statut légal qui figure sur les documents de voyage de Koudelka à chacun de ses retours au Royaume-Uni, n’ayant plus de passeport tchèque et ne pouvant pas prouver son lieu de naissance. En 1980, il s’installe en France et obtiendra la nationalité française en 1987.

Tout au long de ses seize années d’exil, il reste apatride, sans résidence fixe et continue son travail en Europe de l’Ouest, suivant les routes marquées par les manifestations gitanes, les festivals religieux et folkloriques qui ont lieu tous les ans. Il vivait lui même comme un vagabond à errer sans liens avec son pays d’origine.

L’aliénation dont il souffre transparaît dans Exils, un travail chargé de symboles d’isolement (animaux perdus, personnages solitaires, objets éparpillés et gitans déplacés) qui retrace sa propre expérience. Le premier livre intitulé Exiles va paraître en 1988, ironiquement une année avant la fin de son exil8. Czesław Miłosz a écrit dans sa préface pour cet ouvrage : « l’exil détruit, mais s’il ne parvient pas à te détruire, il te rend plus fort. »

PANORAMIQUES
Vers la fin des années 1980, Koudelka commence à travailler et à expérimenter avec un appareil photo panoramique qu’il utilise pour documenter des territoires dévastés par la guerre ou modifiés par le passage du temps. Il utilise ce format élargi pour représenter uniquement des paysages vides de toute figure humaine10, jusqu’alors très présente dans son travail. Il montre ainsi des paysages marqués par la main de l’homme (transformations et déprédations humaines). Ces images seront publiées sous la forme d’impressionnants dépliants comme Black Triangle (1994)11 ou Chaos (1999)12, présentant des paysages au bord de la ruine.

Dans cette même période, il a participé à la Mission Photographique de la DATAR13(1986) et à la Mission Photographique Transmanche14 (1988-1989), pour laquelle il a photographié des digues portuaires faites d’énormes blocs avec le look de sculptures minimalistes, donnant à ces morceaux de béton un statut de sculpture qui peut nous rappeler du land art ou encore nous renvoyer vers un univers de vestiges et de ruines antiques. Selon Gilles A. Tiberghien:

« For Koudelka (…) it is the historical dimension of these transformations to which he wants to call attention. What is most important, what we grasp through his gaze, is the man-made landscape, or put another way, the revelation of the transformations of the earth for which man is responsible. All that remains of the Greek city-states, of the Roman urbs, of the ancient colonies settled around the perimeter of the Mediterranean basin are scattered vestiges that are, more often than not, the result of pillage and conquest rather than earthquakes or volcanic eruptions. What we witness in Koudelka’s images is human violence at work, presiding over the rise and fall of civilizations — a violence that, at least in the Western world, has long prevailed as the chief mode of appropriation of natural resources. »

Plus récemment, Josef Koudelka a utilisé ce format pour documenter la frontière de la Cisjordanie et les territoires environnants, notamment le désert du Néguev et le plateau du Golan. Ce travail, Wall (2013)16, force le spectateur à constater la désolation d’un vaste paysage fait de murs, barbelés, routes d’accès et frontières, qui sont la conséquence de conflits humains de longue durée : la transposition de sentiments humains dans un paysage déshumanisé.

L’exposition et le catalogue de la rétrospective nous permettront ainsi de découvrir le travail de plusieurs décennies de Josef Koudelka, photographe indépendant et nomade qui a développé un travail sensible et poignant sur l’homme et son environnement. Les thématiques abordées dans son travail (exil, nomadisme, conflits et paysages transformés par l’homme) laissent bien transparaitre le caractère humaniste de l’œuvre de Koudelka."

D’après Andrea Delaplace, universitaire et doctorante.

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